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Aujourd'hui le visiteur qui se promène sur les 18 ha du territoire de la commune du Castellet ne saurait y trouver la moindre trace d'une quelconque production viticole. Les seules vignes qu'il puisse voir sont des vignes grimpantes plantées çà et là pour l'agrément et pour l'ombre fraîche qu'elles procurent en plein été sur les terrasses de quelques maisons.

Elles ne font plus du vin aujourd'hui, mais elles offrent une ombre appréciable

Il n'en a pas toujours été de même. Si l'on en croit l'abbé J.-J.-M. Féraud, auteur d'une Géographie historique et biographique des Basses Alpes en 1844, «la culture des terres occupe tous les habitants, et le sol produit des grains, de l'huile et de très-bon vin» sans autre précision : vin blanc, vin rouge ? Deux indices nous permettent de faire confiance aux assertions de l'abbé : il reste au Castellet un quartier dénommé Vignaret (vignaret, vignarès ou vignaré signifie vignoble en provençal) ; et nous avons parlé, dans la partie historique du site, de la longue présence de moines bénédictins dans leur prieuré. Or l'on sait que très tôt les Bénédictins, au même titre que les Cisterciens, ont produit partout en France, comme en Italie, des vins de très haute qualité. Ils installaient d'ailleurs leurs bâtiments sur des zones qu'ils avaient éprouvées et où ils avaient l'assurance de cette production de qualité. Dernière remarque, le quartier du vignoble se situe à proximité immédiate de l'ancien prieuré : il suffisait de traverser la route de Puimichel pour aller soigner la vigne.
On sait aussi qu'après la Révolution les biens ecclésiastiques ont été vendus au public. De là vient certainement le déclin de la vigne et de la qualité du vin. Car jusqu'au milieu du XXe siècle la vigne était toujours cultivée, sur des parcelles privées, un peu partout en fond de vallée. Chacun faisait sa propre production pour l'année. Mais aux dires mêmes des anciens du village que nous avions rencontrés pour en parler (Clément Giraud et René Barras), c'était du vin rouge, mais plutôt de la piquette qu'un honnête simple vin de pays. Mais à cette époque le vin était encore paré de la vertu mythique de «donner de la force aux travailleurs» et l'on se souciait peut-être moins qu'aujourd'hui de sa valeur gustative.
Si, donc, il ne reste pas de trace extérieure visible de cette production qui s'est étalée sur environ sept siècles, il existe, dans de nombreuses demeures des caves à vins. Voilà nos preuves. L'enquête est terminée, l'affaire est bouclée ! Ces caves, creusées bien sûr sous les maisons, ont la particularité pour plusieurs d'entre elles de ne pas se situer à l'aplomb de la construction, mais de venir en avancée jusque sous le milieu de la chaussée de la rue principale. Ces caves ont en outre la particularité d'avoir un accès de petites dimensions par le haut et elles sont revêtues de carrelages vernissés de façon à obtenir une très bonne étanchéité.
Il existait aussi dans d'autres maisons des emplacements de fouloirs à raisin qui malheureusement ont été déposés dans les années soixante puisque, devenus inutiles, ils faisaient perdre de la place. Mais on distingue toujours l'orifice, entre deux niveaux, destiné au passage de la vis en bois du pressoir. Aujourd'hui Le Castellet ne fera donc pas concurrence au domaine de La Romanée Conti, initié lui aussi par des Bénédictins. Ainsi va l'Histoire…

Cette étiquette n'est hélas qu'un pur délire qu'on ne pourra jamais consommer, même avec modération.

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